Picasso.Mania au Grand Palais – Stéphanie Martinez
Picasso.Mania au Grand-Palais (7 octobre 2015 – 29 février 2016)
L’exposition Picasso.Mania se tient au Grand-Palais du 7 octobre 2015 au 29 février 2016, présentée par le commissaire d’exposition Didier Ottinger avec Diana Widmaier Picasso. Cette exposition combine des chefs d’œuvre de Pablo Picasso avec ceux d’artistes contemporains, aux techniques diverses et supports variés, qu’il a influencé. Elle se veut un parcours historiographique qui rapproche les œuvres du maître espagnol avec celles des artistes qui lui répondent. Contrairement à de nombreuses expositions de Picasso qui ont eu lieu auparavant, Picasso.Mania tire son originalité sur le fait de présenter le processus de transmission et d’influences postérieures qu’il exerça sur les artistes des générations suivantes.
L’exposition présente trois cent vingt œuvres dont cent chefs d’œuvre de Picasso. Plus de 70 artistes différents présentent des œuvres clés à côté des œuvres du génie. Elles sont issues du musée Picasso, du musée d’art moderne et de la succession Picasso. De ce fait, certaines œuvres qui appartiennent aux collections privées des différentes branches de la famille de l’artiste, ont été peu vues.
L’accrochage s’inspire des accrochages de Picasso qu’il a lui-même supervisés, de façon dont le peintre se plaisait à présenter ses œuvres dans ses ateliers – accrochage de Picasso à l’atelier des Grands-Augustins avec les portraits de 1930 (voir image ci-contre). Notamment celui de sa première rétrospective en 1932 et celle de ses expositions au Palais des Papes à Avignon en 1970 et 1973. Basé sur des témoignages photographiques qui montrent comment il les accrochés, ces dispositifs sont présentés en forme de tapisserie, sans cadres, collées les uns après les autres.
À la fois chronologique et thématique, le propos retrace la réception critique de son œuvre en trois principales périodes stylistiques des années 1960 à nos jours – le cubisme, les années 1930 et l’œuvre tardif. Le parcours est ponctué par des œuvres de Picasso confrontés aux plus grands maîtres de l’art contemporain. Certaines œuvres emblématiques, telles que Guernica et Les Demoiselles d’Avignon, répondent aux œuvres contemporaines exposées dans des salles thématiques.
Les Demoiselles d’Avignon, 1907 œuvre primitive par sa brutalité, sans profondeur ni volumes, visages réduits à des masques africaines, dégage une violente expressivité. Les œuvres de Sigmar Polke, Jeff Koons – Antiquités, Uli, 2015 (voir image ci-contre), Richard Prince s’approprient de la double nature, sexuelle et exotique du tableau.
Le pop art rejette l’abstraction qui dominait l’art depuis les années 1940. Pour ces artistes pop, Picasso est une icône qui leur est contemporaine. Les artistes telles que Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Erró vont être particulièrement marqués par les portraits face-profil de Picasso. Roy Lichtenstein (1923-1997) considère le maître espagnol comme une source plastique fondamentale de son travail – Woman with flowered hat, 1963 (voir image ci-contre).
Les artistes qui ont entretenues un dialogue durable avec Picasso, ne sont pas très nombreux – ceux-là bénéficient des salles monographiques. Pour David Hockney (1937-1960), Picasso demeure un modèle et une source. Il est l’un des premiers artistes à répondre au cubisme. En utilisant un appareil photographique (une Polaroïd nouvelle génération) il entreprend une relecture contemporaine du cubisme. Il compose des paysages et des natures mortes – comme Still-life Blue Car de 1982 (voir image ci-contre) – cumulant une multiplicité de points de vue, dont la juxtaposition crée une vue globale.
En 1971, L’un des premiers projets qui à confronter Picasso et la création contemporaine fut celui de l’éditeur allemand Propyläen Verlag. Pour célébrer le quatre-vingt-dixième anniversaire du peintre, de nombreuses artistes de diverses tendances ont réalisés une estampe pour un recueil lithographique en hommage à Picasso.
Personnalité autant qu’artiste.
Après la Seconde Guerre mondiale, Picasso devient une référence essentielle pour les artistes contemporains. Le maître espagnol c’est le premier artiste moderne à passer de l’isolement avant-gardiste au statut de célébrité et assumer le rôle de conscience morale. Contrairement à Marcel Duchamp qui incarne la figure de l’anti-artiste avant-gardiste – discret, spéculatif – Picasso incarne l’image de l’artiste expressionniste. La façon dont le génie a diffusé sa propre image, devenant une figure publique avec un succès médiatique conduit à une réinvention de la figure de l’artiste au XIXe siècle.
Les plus grands réalisateurs tels que Wells, Godard en passant par Truffaut, lui rendent hommage. Notamment le film de Georges Clouzot, Le Mystère Picasso (1955) qui constitue une pièce essentielle dans la construction du mythe Picasso – dans le film on observe le peintre partir d’une idée, pour dépeindre avec une liberté inouïe sur un papier calque. Un écran nous montre un montage résultant d’images issues de films, de clips musicaux, de pubs, de chorégraphies, des médias de masse, créent ainsi une banque iconographique qui fait preuve de son omniprésence postérieure.
Un second montage est consacrée à la construction du mythe Picasso à partir de la diffusion de son image autour du monde investit à la presse à travers de grands-tirages. Divers documents issus des reportages de Paris-Match, qui dévoilent la vie intime de Picasso – vu sur un écran à l’exposition (voir image ci-contre). Les photographies prises par Brassaï et par Robert Doisneau montrant Picasso dans son atelier, à la plage, à la corrida, avec ses femmes, ses enfants, ses amis participant aussi de sa notoriété et de l’admiration qu’il suscite. D’autres archives issues de l’Humanité montrent son engagement militant et sa conscience politique. Ils font de lui une figure majeure de la vie politique et intellectuelle de l’après-guerre.
Des grandes expositions et rétrospectives consacrés de Londres 1960, New York 1962, Paris 1967 – qui lui confèrent un succès public. Le grand retour de Picasso à l’avant-scène de l’art contemporain au début des années 1980 à partir de deux expositions qui présenteront l’œuvre tardif de Picasso au Kunstmuseum de Bâle en 1981 et au Guggenheim de New York “The late years” en 1984 (voir image ci-contre).
Aucun autre artiste n’a manifesté un tel pouvoir de renouvellement stylistique – du cubisme au néoclassicisme, au surréalisme – plus que Picasso sur la maîtrise de tous les styles et toutes les techniques. Sa liberté à l’égard de tous les dogmes esthétiques de son siècle, continue à fasciner les artistes contemporains qui manipulent et réinterprètent son image. Sa production versatile se prête à toutes sortes d’appropriation, offrant des interprétations ouvertes à l’infini, qui révèlent le caractère anticipateur de son œuvre. Pablo Picasso a su créer sa propre légende : un génie avec les qualités d’une figure publique.
Stéphanie Martinez
M1 – Histoire de l’art
Bibliographie
– Dossier de Presse de l’exposition, 2015
– Catalogue de l’exposition, Edition RMN, Grand-Palais, 2015.